Hormonothérapie

Vous êtes suivis au Centre Henri-Becquerel pour un cancer du sein localisé hormonodépendant non métastatique. Vous êtes déjà sous hormonothérapie adjuvante, ou ce traitement vient de vous être prescrit par votre médecin.

Il est important de vous permettre de mieux comprendre les indications, les bénéfices et les effets secondaires de ce traitement.

Qu’est-ce qu’un cancer du sein hormonodépendant ? Qu’est-ce que l’hormonothérapie ? A quoi ça sert ? Comment ça fonctionne ? Comment se fait le choix du traitement ? Quelles recommandations ? Quels effets indésirables ?

Qu’est-ce que l’hormonothérapie ?

70% des cancers du sein sont dits « hormonodépendants» c’est-à-dire qu’il existe en grand nombre à la surface des cellules de ces cancers des récepteurs aux hormones sexuelles féminines (oestrogène et progestérone). C’est l’analyse de la tumeur au microscope sur la biopsie ou la pièce opératoire (= examen anatomopathologique) qui le détermine. Dans ces cas, les hormones agissent comme des agents favorisant la croissance du cancer. Le médecin anatomopathologiste détermine si la tumeur exprime ces récepteurs (on dit alors que ces récepteurs sont positifs) et dans quelle mesure (pourcentage et intensité de positivité). Le terme d’hormonothérapie peut prêter à confusion, il s’agit en fait d’un traitement qui vise à bloquer l’action stimulante des hormones féminines sur les cellules du cancer du sein (traitement antihormonal). Plus une tumeur exprime fortement les récepteurs hormonaux plus la probabilité d’efficacité de l’hormonothérapie est grande. En France, une hormonothérapie est proposée si l’expression de l’un ou l’autre de ces récepteurs (œstrogène ou progestérone) est ≥ à 10%.

Après un cancer du sein, la prise de médicaments contenant des oestrogènes ou de la progestérone (pilule contraceptive ou traitement hormonal substitutif) est contre-indiquée.

A quoi sert l’hormonothérapie ?

Après la chirurgie, l’hormonothérapie adjuvante sert à diminuer le risque de récidive du cancer du sein et la mortalité liée à cette maladie. Il est prouvé qu’elle diminue le risque de récidive plusieurs années plus tard dans les seins (récidive locale) ou dans d’autres organes (récidive métastatique). Elle n’est efficace que si la tumeur exprimait les récepteurs hormonaux (œstrogène et/ou progestérone).

Il faut savoir qu’elle est également très efficace comme traitement des maladies plus avancées comme dans les traitements néoadjuvants de tumeurs inopérables d’emblée ou dans le traitement du cancer du sein métastatique. L’action stimulante des hormones sur le cancer du sein est connue depuis la fin du XIXème siècle et déjà à cette époque on effectuait des traitements « hormonaux » en retirant les ovaires. Puis, des progrès ont été réalisés dans nos connaissances sur le fonctionnement des hormones et des médicaments antihormones ont été développés montrant au fur et à mesure une plus grande efficacité. Les médicaments actuellement utilisés ont fait l’objet de plusieurs études auxquelles ont participé des dizaines de milliers de patientes et il est maintenant clairement établi que ces traitements permettent de diminuer le risque de récidive du cancer du sein avec un bénéfice qui reste mesurable plusieurs années plus tard.

Comment marche l’hormonothérapie ?

Il existe plusieurs hormonothérapies avec des mécanismes d’action différents. Le choix du traitement va dépendre essentiellement de l’existence ou non d’une ménopause (période qui correspond à l’arrêt de la synthèse d’oestrogènes par les ovaires). Le choix du traitement peut également tenir compte des facteurs pronostiques de la maladie et des effets indésirables possibles.

Il existe 3 classes médicamenteuses d’hormonothérapie :

  • Le tamoxifène : il se fixe sur le récepteur aux hormones à la place de l’oestrogène et rend le récepteur inactif. Il est efficace avant et après la ménopause.
  • Les antiaromatases (létrozole, anastrozole, exemestane) : ils diminuent la synthèse d’estrogènes après la ménopause en empêchant la transformation des androgènes surrénaliens en oestrogène par l’aromatase (voie de synthèse principale des oestrogènes après la ménopause). Ils ne sont efficaces que chez la femme ménopausée (ou en association avec des agonistes de LHRH avant la ménopause). C’est le traitement de référence chez la femme ménopausée.
  • Les agonistes de la LH-RH (goséréline, triptoréline) : ils bloquent les ovaires et les empêchent de synthétiser des oestrogènes créant ainsi une ménopause artificielle et réversible. Ils n’ont d’intérêt que chez la femme non ménopausée. Ils peuvent être utilisés en relais du tamoxifène ou parfois en association au tamoxifène ou aux antiaromatases.

L’hormonothérapie a un mécanisme d’action différent de celui de la chimiothérapie et leur action est complémentaire.

Comment se prend l’hormonothérapie ?

L’hormonothérapie est souvent prescrite après la chirurgie, le plus souvent à l’issue de la radiothérapie. Elle est administrée pour une durée de 5 ans minimum et parfois jusqu’à 10 ans en fonction des facteurs pronostiques de la maladie et de la tolérance.

Il est possible que le traitement soit modifié en cours de prise soit parce que votre statut ménopausique a changé (exemple : le tamoxifène peut être remplacé par une antiaromatase si une ménopause est diagnostiquée après 2 à 3 ans de traitement) soit parce que vous ne tolérez pas bien le traitement.

Il est nécessaire d’être assidue et régulière dans la prise de son hormonothérapie afin de garantir une efficacité optimale. Les traitements en comprimés doivent être pris tous les jours à une heure régulière. Une prise trop souvent irrégulière ou des oublis trop fréquents risquent de compromettre son efficacité.

Hormis l’exemestane qui doit se prendre après un repas, les comprimés d’hormonothérapie se prennent à n’importe quel moment de la journée. Il existe parfois des risques d’interactions avec d’autres médicaments notamment pour le tamoxifène (avec certains antidépresseurs par exemple) et il est conseillé de toujours signaler à vos médecins mais également à votre pharmacien la liste complète des traitements que vous prenez. De même la consommation de millepertuis est fortement déconseillée car elle risque d’interagir avec le métabolisme de l’hormonothérapie.

Pour éviter les oublis, il peut être judicieux de la prendre avec les autres médicaments que vous prenez déjà ou sinon il est possible de mettre une alarme sur son téléphone ou de trouver un « rituel » pour ne pas l’oublier (par exemple dans la tasse de café du matin, dans le verre à dents…).

Vivre au quotidien sous hormonothérapie : effets indésirables et conseils pratiques

Les effets secondaires varient d’un médicament à l’autre, d’une patiente à l’autre et sont également variables dans le temps. Certains sont plus fréquents que d’autres et sachez que dans tous les cas, la balance entre les bénéfices (diminuer le risque de récidive du cancer) et les risques (effets secondaires) est discutée. En cas d’effets indésirables importants qui vous incitent à arrêter ou rendent difficile la bonne prise du traitement, signalez-le à votre médecin car des alternatives sont peut-être possibles. La plupart des effets secondaires de l’hormonothérapie sont liés au mode d’action du traitement et à leur effet anti-hormonal qui mime ou majore les signes d’une ménopause.

Un certain nombre de symptômes ressentis à la fin des traitements et sous hormonothérapie peuvent être liés aux traitements précédents.

La majorité des effets secondaires sont réversibles à l’arrêt du traitement.

Les bouffées de chaleur

Elles apparaissent dès la chimiothérapie si celle-ci a entrainé un arrêt des cycles menstruels et se majorent avec l’hormonothérapie (surtout les agonistes de LH-RH et le tamoxifène).

Plus fréquentes les premiers mois de traitement, elles diminuent le plus souvent avec le temps. Parfois diurnes parfois nocturnes ou les deux, elles peuvent nécessiter des adaptations du traitement (fractionner les prises ou modifier l’horaire de prise par exemple) ou un traitement complémentaire (acupuncture, auriculothérapie, des médicaments ne contenant pas d’oestrogènes…).

Les douleurs articulaires

Elles sont plus fréquentes avec les antiaromatases et correspondent souvent à des raideurs articulaires qui prédominent le matin et s’améliorent avec l’activité physique. D’autres effets articulaires sont décrits avec les antiaromatases comme des tendinites, des syndromes du canal carpien.

La prise de poids

Ayant souvent plusieurs origines (diminution de l’activité physique, traitements, ménopause chimio-induite…), la prise de poids est un effet indésirable fréquent des traitements du cancer du sein. L’hormonothérapie peut y contribuer aussi. Une activité physique régulière ainsi qu’une alimentation équilibrée et adaptée vous aideront à limiter cette prise de poids possible.

La fatigue Il s’agit d’un symptôme très fréquent après les traitements et elle peut perdurer longtemps après la fin de ceux-ci sous la forme d’une fatigabilité plus rapide ou plus fréquente. La pratique d’une activité physique régulière aide à lutter contre cette fatigue. Si vous ressentez une fatigue très importante et gênant vos activités habituelles, parlez-en à vos médecins car une autre cause peut parfois être évoquée (dépression, anémie, hypothyroïdie…).

La diminution de la densité osseuse (ostéopénie, ostéoporose)

Il s’agit d’un effet secondaire possible des antiaromatases et il sera surveillé en raison des risques de fractures à long terme qu’il entraine. Pour le dépister, une ostéodensitométrie (examen mesurant la densité de vos os) sera réalisée et au besoin un traitement par calcium, vitamine D ou un traitement de l’ostéoporose sera prescrit. Sachez que limiter votre consommation d’alcool, de tabac et pratiquer une activité physique régulière contribuent à la bonne santé de vos os.

Les troubles de l’humeur

La maladie et ses traitements peuvent générer des difficultés psychologiques (sensation de mal être, angoisses, humeur triste…). Ces troubles peuvent parfois apparaître après la fin des traitements et pendant l’hormonothérapie car la diminution des œstrogènes comme on peut le voir à la ménopause peut entrainer des troubles de l’humeur. Si cela vous arrive, n’hésitez pas à en parler à votre entourage et à un professionnel de santé qui pourront vous aider et vous accompagner. Un soutien psychologique est possible à toutes les étapes de la prise en charge de votre maladie.

Les troubles gynécologiques et de la sexualité

Le symptôme le plus fréquent est la sécheresse vaginale qui peut nécessiter des traitements locaux (gels ou ovules, lubrifiants). Des troubles de la libido et un retentissement sur la sexualité sont possibles, au besoin des consultations de sexologie existent. Sous tamoxifène, les règles peuvent être perturbées, des kystes ovariens le plus souvent asymptomatiques sont possibles et des pertes vaginales peuvent survenir ; en cas de saignements vaginaux anormaux (règles trop abondantes ou saignements entre les règles) une consultation rapide auprès d’un gynécologue et une échographie utérine est nécessaire. Le tamoxifène augmente très légèrement le risque de cancer de l’endomètre (corps de l’utérus) mais ce risque est bien inférieur au risque de récidive du cancer du sein sans prise de tamoxifène. Enfin, le tamoxifène est tératogène et une contraception efficace non hormonale est nécessaire sous traitement. Si vous avez un projet de grossesse, parlez-en avec l’équipe médicale et sachez qu’il nécessitera l’arrêt du traitement au moins 2 mois avant la conception.

Le risque de thrombose (phlébite, embolie pulmonaire)

Le tamoxifène augmente un peu le risque de thrombose. En cas de long voyage ou de situations avec station assise ou allongée prolongée, pensez à prévoir des contentions veineuses élastiques et à vous mobiliser le plus souvent possible.

Les troubles visuels

Le tamoxifène peut entrainer dans de très rares cas des cataractes ou anomalies de la rétine.

Les troubles biologiques : Comme la plupart des médicaments, l’hormonothérapie peut entrainer des perturbations de la biologie hépatique qui sont le plus souvent minimes et ne nécessitent pas de surveillance systématique. Les traitements hormonaux peuvent parfois contribuer à une dyslipidémie (modifi cation du taux de cholestérol et/ou des triglycérides) ou une hyperglycémie (augmentation du taux de sucre dans le sang).

D’autres effets indésirables sont parfois rapportés

Maux de tête, nausées en début de traitement, fragilité capillaire… Des troubles de la concentration sont souvent relatés mais ils peuvent également être liés aux traitements précédents (chimiothérapie) ou à des troubles de l’humeur. Des consultations dédiées avec un neuropsychologue peuvent permettre de faire le point sur ces difficultés si besoin.

Foire aux questions

Et chez l’homme ?

L’hormonothérapie est aussi efficace chez l’homme que chez la femme et il n’y a pas de différence. Le tamoxifène est le traitement de première intention.

Je veux en savoir plus, où trouver une information fiable ?

Sur le site de l’INCA (institut national du cancer) https://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Les-cancers/Cancer-du-sein/Les-points-cles Hormonotherapie

J’ai perdu/oublié mon ordonnance, comment faire ?

Votre pharmacien a la possibilité de délivrer un mois de traitement sans ordonnance car il s’agit d’un traitement au long cours ; votre médecin traitant ou votre gynécologue peut prescrire ou renouveler l’ordonnance.

Et les génériques ?

Ils sont aussi efficaces que le médicament princeps. Seuls les excipients sont différents et peuvent varier d’un médicament à l’autre, pouvant parfois expliquer des effets indésirables différents (le plus souvent effets type cutanés, digestifs, maux de tête). Prendre un traitement au quotidien nécessite beaucoup de volonté, gardez en mémoire l’objectif de ce traitement et n’hésitez pas à parler aux professionnels de santé des inconvénients et problèmes que vous rencontrez si besoin